Transparente de la scène artistique française la poésie visuelle a trouvé refuge chez moi à Ille sur Tet. C’est peut-être aussi l’inverse mais à la fin de la revue Art et Anarchie il me parait important de me polariser sur une des esthétiques anarchistes. Je choisis la poésie visuelle.
La poésie visuelle[1] elle a toujours été pratiquée depuis les calligrammes de Guillaume Apollinaire. Sans pouvoir s’imposer comme genre à part entière, elle était présente chez les dadaïstes et les lettristes. L’importance de la présence de la lettre et de l’écrit est la règle. La lettre et l’écrit deviennent objet plastique et sont objet de manipulations et de transformations esthétiques. Quelques manifestations[2] en France et quelques ouvrages traitent de cette pratique. L’intentionnalité esthétique prime sur l’intentionnalité du contenu. Certaines œuvres comportent des messages politiques ou humoristiques voir les deux. Certaines n’utilisent que la lettre comme médium. D’autres mêlent des images glanées sur les médias ou les réseaux sociaux avec des phrases chocs. D’autres encore travaillent sur la disparition des phrases ou de la lettre.
Ceux qui la pratiquent aujourd’hui sont dans la suite logique du mouvement Fluxus[3] et des réseaux de mail-art. La grande majorité des artistes qui exposent se référent ou viennent de ces deux pratiques. C’est donc sur les cendres des avant-gardes que cette pratique artistique libertaire perdure. On peut trouver dans un lieu ou un autre en France des expositions personnelles d’artistes avec comme thème la poésie visuelle. Les expositions collectives et les liens théoriques manquent cruellement en France[4]car cette pratique artistique est très minoritaire.
Les principes de fonctionnement sont les mêmes qu’en art postal, mais pour la poésie visuelle il y a une sélection plus grande. La qualité artistique doit être plus importante. Certains appels précisent la taille de l’œuvre et la qualité du papier par exemple. Elle n’admet les pratiques amateurs que de manière minoritaire, mais comme pour l’art postal, la règle est de proposer à voir tout ce qu’on a reçu. Cette pratique est une école de l’humilité : des artistes mondialement connus offrent leurs œuvres à des lieux ou des initiatives expérimentales et acceptent d’être exposés avec des novices.
La poésie visuelle comme genre est une pratique artistique ultra confidentielle en France. Nuire[5] est la seule revue régulière qui lui est entièrement dédiée (un numéro les années paires et deux numéros les années impaires).
[1] visual poetry en anglais, poesie visive en italien, fonnkèr pou lo zié en créole
[2] Poésure et peintrie Catalogue de l’exposition du même nom aux musées de Marseille 1998
Art Action 1958 1998 Les éditions interventions Québec/Nèpe France 2001
Vers la poésie totale Adriano Spatola Traduit de l’italien par Philippe Castellin Ed Via Valériano Marseille 1993. Du même Philippe Castellin DOC(K)S mode d’emploi Editions Al Dante 2002. C’est l’histoire de la revue créée par Julien Blaine et qui est la revue de référence en France et à l’internationale pour la poésie visuelle et expérimentale.
[3] Initié par George Maciunas, qui en inventa également l’appellation, Fluxus participe aux questionnements soulevés par les formes d’arts qui voient le jour dans les années 1960 et 1970 : statut de l’œuvre d’art, rôle de l’artiste, place de l’art dans la société, notamment. L’humour et la dérision sont placés au centre de la démarche et participent à la définition de Fluxus comme un non-mouvement, produisant de l’anti-art ou plutôt un art-distraction4.
[4] La seule biennale que je connaisse en France est celle que j’organise toutes les années impaires en juin juillet. En 2021 aura lieu la sixième biennale internationale de poésie visuelle d’Ille sur Tet. Elle se déroule à El taller Treize. https://poesievisuelletreizegalerie.blogspot.com/
[5] Nuire est la revue de la biennale internationale de poésie visuelle d’Ille sur Tet.